Vienne : le détectoriste se rebiffe, "je ne suis pas un pilleur!"

Publié le 20-04-2021 06:25:00
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Les amateurs de détection refusent l'étiquette de pilleurs de trésor. Rencontre avec un passionné à La Chapelle-Montreuil qui plaide pour davantage d'échanges avec les défenseurs du patrimoine.

Au début du mois de mars, un amateur de détection des métaux était repéré du côté de Vouillé.
Une plainte a été déposée contre lui par les défenseurs locaux du patrimoine chassant ces chasseurs de trésors anciens (lire notre édition du 2 avril 2021).

Des trésors qui ne sont pas des coffres regorgeant de bijoux ou de pierres précieuses, mais bien souvent de vieilles monnaies romaines.

« Je ne comprends pas la démarche », réagit Didier Dhondt. « Il fallait aller au contact de cette personne, lui expliquer les choses plutôt que de le prendre en photo et de porter plainte ! »

Depuis sa maison de La Chapelle-Montreuil, l'ancien douanier pratiquant la détection depuis quinze ans plaide pour la pédagogie et le partenariat avec les archéologues et les défenseurs du patrimoine.

« Je ne suis pas un pilleur, je cherche toujours avec l'accord du propriétaire et je ne vends rien. Oui, il y a des brebis galeuses, mais 80 % des gens qui pratiquent sont juste des passionnés qui ne font pas commerce de leurs découvertes ! Moi aussi, je suis un défenseur du patrimoine », insiste le détectoriste qui s'agace de certaines situations.

« Pourquoi on ne va pas chercher ces personnes qui vendent des pièces sur Internet. Si les détectoristes sont des pilleurs, pourquoi la Monnaie de Paris, dans ses publications, que je reçois, passe des publicités sur les détecteurs ? C'est l'État, la Monnaie de Paris ! »

Ce qui agace profondément le passionné, c'est l'absence de marge de manoeuvre.

« Moi, ce que je trouve, c'est dans la couche de terre végétale, ce n'est pas là que les archéologues vont chercher. Ils cherchent des vestiges en pierres, plus profondément. Quand je vois des lotissements creusés à la pelleteuse et pas fouillés, ça m'énerve, c'est destructeur de patrimoine. Le chantier de la LGV, il y a eu des fouilles, vous avez vu des présentations de ce qu'ils ont trouvé ? ! Pour moi, une pièce de trouvée, c'est une pièce de sauvée ! »
« Une pièce de trouvée, c'est une pièce de sauvée ! » Le Poitevin rêve ainsi d'une loi à l'anglaise associant les détectoristes et les archéologues. « Ils travaillent ensemble là-bas. Le détectoriste est dépositaire de ce qu'il a trouvé, il doit pouvoir le montrer à tout moment si on le lui demande, cela a permis de découvrir plein de choses. Chez nous, vous allez déclarer une découverte… vous finissez devant les tribunaux. On pourrait payer une sorte d'abonnement à l'année pour détecter. Cet argent irait à la préservation du patrimoine. Actuellement, il y a des découvertes qui se font, mais les gens préfèrent les garder pour eux pour ne pas avoir de problèmes. La législation est trop draconienne, trop répressive. C'est pas intelligent. »

Dans son pavillon, le détectoriste entouré de livres d'histoire se plaît à retrouver le fil des pièces découvertes, comme ce sceau anglais du 13e siècle détecté dans les alentours et attribué à un certain Robert de Sandford.

« Si on nous laissait chercher, je suis sûr qu'on retrouverait dans un champ la bague avec le sceau du roi Jean le Bon qui a été perdue pendant la bataille de 1356. Je connais aussi un château des environs où il y avait un atelier monétaire. Si on avait le droit de fouiller, on le trouverait… ça permettrait de donner un autre relief au château pour intéresser les gens à l'histoire. »

 

Une législation jugée trop stricte

La loi encadre très strictement les recherches au détecteur de métaux. Elles ne sont autorisées sur des sites considérés comme ayant une valeur archéologique qu'avec une autorisation des autorités. « Ils n'en donnent évidemment jamais », relèvent les détectoristes.
La détection de loisirs est autorisée mais à certaines conditions, la principale étant d'avoir l'accord des propriétaires privés pour fouiller chez eux. Cette détection chez les privés est cependant circonscrite aux biens privés et familiaux dont on peut justifier de la propriété et des objets métalliques récents. « On trouve beaucoup de capsules de bière et des objets qui n'ont rien à faire dans la terre vous savez. On dépollue aussi, mais ça, personne ne le dit ! »
Si lors d'une recherche fortuite, un objet ayant un caractère historique est découvert, il doit être déclaré aux services régionaux de l'archéologie et aux affaires culturelles.
C'est là que ça se complique, déplorent les détectoristes, en remarquant que leur bonne foi est souvent mise en doute. Certains réclament ainsi la mise en place d'un permis obligatoire nécessaire à l'usage du détecteur de métaux pour encadrer une pratique dévoyée par certains. Des associations de défense du patrimoine se plaignent ainsi de voir des sites répertoriés victimes de fouilles sauvages.

 

Emmanuel COUPAYE