Les Bleus sous le feu des critiques
Comment en est-on arrivé là? À une situation où seize personnes dont douze joueurs ont contracté le Covid-19 au sein du XV de France, entraînant le report du match du Tournoi des 6 nations contre l'Écosse? Pour répondre à la question, une enquête interne a été demandée, la semaine dernière, par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, à la Fédération française de rugby. Les conclusions sont attendues mercredi.
Mais en fin de semaine dernière, les propos du président de la FFR Bernard Laporte à l'antenne de RMC vendredi, puis sur le plateau de Stade 2 dimanche, ont semé le trouble. « Une bulle, ce n'est pas un couloir dans lequel on dit que c'est interdit de sortir », a-t-il notamment déclaré sur RMC.
« S'il y a faute
il faut
la reconnaître »
Car, en effet, il semble que la bulle sanitaire n'ait pas été très étanche. La veille d'Italie-France, le 5 février, des joueurs ont été aperçus en train de se balader à Rome et de manger des gaufres sur une place bondée, rapporte le journal L'Équipe. Au retour du match, Fabien Galthié, le sélectionneur, quitte le groupe pour aller assister à un match de son fils. Autant d'exemples qui interrogent. « À un moment donné, moi-même et des joueurs sommes allés nous promener dans la ville avec des masques, ça ne veut pas dire casser la bulle », a tenté d'expliquer Laporte sur RMC.
La responsabilité du sélectionneur, mais aussi et surtout du « Covid manager », Serge Simon (par ailleurs vice-président de la FFR), sont mises en cause. Mais Bernard Laporte a défendu les deux hommes. « Fabien m'a dit qu'il a respecté le protocole et je le crois. Et le rapport nous le dira. Pour moi, il n'y a pas de faute », affirme le président de la FFR. Pourtant, étant un des premiers cas positifs au sein du groupe, Fabien Galthié peut être suspecté d'être le « patient zéro » à l'origine du cluster.
La semaine dernière, Serge Simon a d'abord déclaré, dans les colonnes du Midi Olympique, qu'un préparateur physique était le « patient zéro ». Depuis, l'infectiologue Éric Caumes, membre de la commission médicale de la FFR, a lui plutôt désigné un joueur de l'équipe de France de rugby à 7, qui s'entraînait avec les Bleus. Difficile d'y voir clair, mais l'enquête interne a justement pour mission, entre autres, de retracer l'origine de la diffusion de l'épidémie.
Reste que tous ces déboires agacent à plusieurs niveaux. À commencer par celui de la ministre des Sports qui avait accordé sa confiance aux Bleus pour participer au Tournoi malgré la pandémie. « Dans le protocole qui nous a été présenté, il y a des conditions très strictes pour les sorties et les retours dans la bulle », a-t-elle rappelé sur La chaîne L'Équipe, menaçant également de « retirer l'autorisation qui a été donnée (pour jouer le Tournoi) » en cas de faute avérée.
Florian Grill, membre du comité directeur de la FFR et opposant à Bernard Laporte lors de la dernière élection fédérale, a aussi mis son grain de sel, en demandant l'ouverture d'une « enquête indépendante », menée par l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, plutôt qu'une enquête interne. « Il est inenvisageable de construire sur un non-dit même pour Fabien Galthié et ses équipes. S'il y a faute, il faut la reconnaître. On pardonnera beaucoup plus une faute reconnue qu'un mensonge avéré », a justifié Fabien Grill, qui a également réclamé la démission de Serge Simon.
Les médias britanniques se sont également interrogés, lundi, sur les éventuelles sanctions contre les Bleus. Si réelle faute il y a, ne valait-il pas mieux donner victoire à l'Écosse sur tapis vert, s'interrogent-ils? Quoi qu'il en soit, toute cette histoire au sein d'un XV de France qui revenait à son meilleur niveau, et semblait en mesure de remporter le Tournoi pour la première fois depuis 2010, risque de laisser des traces profondes.